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Entretien avec le poète écrivain et chanteur Brahim SACI
«La démocratisation réelle du pays fera venir une forme de renaissance »
 
Très peu d’artistes ont son talent. Après des études universitaires en France, il devient dessinateur, puis journaliste à la radio. Brahim Saci, est auteur, compositeur et interprète de ses chansons. Il édite plusieurs albums en tamazight mais aussi en français. Ses musiques sont si bien ficelées et ses paroles sont d’une profondeur inégalable. Le fils de la Kabylie est aussi écrivain, il a publié sept livres, chez les éditions du net à Paris. Dans cet entretien exclusif, le talentueux artiste, revient sur ses créations, ses quêtes artistiques et ses espoirs de voir sa terre natale, l’Algérie, fleurir et offrir le meilleur pour ses enfants.
- Votre dernier livre « Les Larmes du ciel », vient de sortir à Paris. Pouvez-vous nous parler de cet ouvrage ?
Oui, c’est mon septième livre de poésie ; il vient de sortir à Paris aux éditions du Net. C’est un recueil où je rends hommage à ma mère, paix à son âme, partie récemment ; c’est aussi la continuité de mes quêtes entamées depuis que je suis revenu à la poésie de langue française que j’avais un peu abandonnée durant des années. Il y a dans les Larmes du ciel, des pensées, des questionnements sur la vie, sur notre passage sur Terre, il y a aussi beaucoup de spiritualité. Dans ce monde matérialiste et individualiste, il y a lieu de méditer un peu, de se poser, de réfléchir, de se demander pourquoi s’intéresser aux futilités et oublier l’essentiel.
- Vous avez publié sept livres, en si peu de temps. Pouvez-vous nous donner des idées sur ces textes ?
J’ai publié mon premier recueil de poésies, Fleurs aux épines, en 2016, puis j’ai continué avec La Chute, combler l’absence, en 2018, Romances inassouvies, en 2019, J’ai trouvé l’amour à Paris, en 2019, Les Vents du Nord en 2020 et Les Voiles du temps en 2020. Il y a un fil conducteur dans tous ces livres : la perte d’un amour, la nécessité du recours à la spiritualité pour se retrouver et dépasser nos tracasseries quotidiennes, les hommages à mon pays l’Algérie et la Kabylie natale, la chance de vivre dans une belle ville, Paris, mes voyages en France, en Normandie particulièrement et puis cette tentative, parfois vaine, de saisir le temps qui passe et le désir de laisser quelques traces…
- Vous-êtes un auteur prolifique. D’où vient ce secret de la plume facile ?
C’est vrai durant ces dernières années, l’inspiration ne m’a pas quittée ; je peux dire que j’écris en marchant, dès qu’une idée vient, je la saisis, je la capte, je publie parfois le poème sur les réseaux sociaux. Oui, ces nouvelles technologies nous aident beaucoup ! C’est aussi une façon de respirer, de se soulager des maux qui viennent chambouler notre tranquillité. Je dirai même que c’est une forme de baraka, un don des ancêtres, un retour aux valeurs à travers les mots. Mais tout cela découle également de mes différentes expériences de la vie, de mes nombreuses lectures de la poésie française.
- Que pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?
La littérature algérienne dans ses différentes langues est riche ; elle traite aujourd’hui de thèmes assez larges. Nous avons de plus en plus d’écrivains. Certains écrivains sont plus médiatisés que d’autres mais cela ne veut pas dire que ce sont les meilleurs. Mais le temps finira par donner sa vraie place à chaque écrivain. Beaucoup d’écrivains de talent sont encore à découvrir ; ils sont également à encourager. La distribution des livres de ces écrivains n’est pas toujours performante, le livre n’arrive pas toujours au lecteur comme il se doit. C’est un handicap majeur pour les écrivains les moins médiatisés. Un écrivain est artiste, il sait que le temps travaille pour lui, il sait que ces textes seront découverts et lus, tôt ou tard.
- Vous-êtes aussi un talentueux chanteur. Tous vos albums sont un succès. D’où vient cette bénédiction ?
Peut-être qu’il y a quelque part une certaine baraka. Mais c’est également du travail, de la persévérance, de l’écoute, des efforts continus, toute une vie consacrée à l’art en général. Vivre à Paris m’a également aidé, tout comme mon travail dans le service culturel à la Mairie de Paris. Rencontrer des artistes, être dans un milieu d’intellectuels et de créateurs est une chance que j’ai saisie. J’ai également fait l’effort d’aller à la rencontre des artistes algériens depuis de longues années ; auprès d’eux, j’ai appris l’essentiel ; ils m’ont guidé vers les chemins de la création. Je les remercie tous ; ils sont nombreux.
- On vous compare souvent à Slimane Azem, pourquoi ?
Je ne sais pas trop. Il y a effectivement une certaine ressemblance entre mes interprétations et celles de l’immense Slimane Azem mais cela ne suffit pas. Lorsque j’ai découvert Slimane Azem, j’ai eu une grande admiration pour ce poète, interprète de talent car j’ai retrouvé mes valeurs, mon pays que j’avais quitté très jeune. Toutes les quêtes artistiques de Slimane Azem sont devenues miennes ; je partage sa vision du monde, ses peines, ses déceptions, la tristesse de son exil. J’ai commencé à chanter en lui rendant un grand hommage, ce qui est tout à fait naturel. Lorsque je distribuais dans Paris les portraits du grand Slimane Azem, je ne savais même pas qu’il était banni des médias de son pays. C’est plus tard que j’ai compris l’injustice dont a été victime Slimane Azem. Et cela m’a encore conforté dans l’estime que j’avais pour cet homme exceptionnel.
- Malgré votre grand talent, on vous invite rarement à chanter en Algérie. Pourquoi à votre avis ?
C’est compliqué. Je ne suis pas vraiment dans les réseaux qui tournent autour des autorités algériennes, je suis même loin de tout cela. Beaucoup d’artistes sont marginalisés, je ne suis pas le seul. Tout cela est normal dans un système injuste, ce sont toujours les mêmes qui sont médiatisés, qui sont mis en avant, qui sont invités. C’est pour cela que la démocratie est nécessaire en Algérie, pour plus de justice, pour que chaque citoyen soit considéré à sa juste valeur, pour que tout citoyen accède à ses droits, tout en accomplissant ses devoirs également.
- Que pensez-vous de la nouvelle génération des chanteurs algériens ?
Il y a des chanteurs de grande valeur dans la nouvelle génération. Mais ils sont moins connus que ceux qui font du bruit avec leur art et avec leur médiatisation usurpée. Mais tout cela est assez normal. Les vrais créateurs ont toujours du mal à passer leur message dans un monde obsédé par le superficiel. Même l’art est devenu un produit de consommation; on se presse à en avoir, sans voir vraiment la qualité et la profondeur de ce produit. Mais le temps finit toujours par ramener chacun à sa case de départ, à sa valeur réelle.
- Vous avez l’Algérie dans le sang. Quelle est votre vision sur l’avenir de notre beau pays ?
Oui, j’aime beaucoup l’Algérie, j’ai toujours dit que ce pays mérite un meilleur sort, il en a les potentialités physiques et humaines. Je suis content de l’avènement de ce grand mouvement pacifique, le Hirak. Il faudra que les autorités réelles du pays écoutent les demandes de ce grand mouvement pacifique, plein de sagesse et d’humilité. Il y a de la place pour tout le monde en Algérie. La démocratisation réelle du pays fera venir une forme de renaissance qui sera bénéfique pour tout le monde.
- Quels sont vos projets artistiques ?
J’écris toujours des poèmes, l’inspiration est toujours au rendez-vous, j’espère continuer à publier des recueils. Pour la chanson, j’ai fait une dizaine de nouvelles chansons que j’ai diffusées sur youtube. J’en ferai certainement d’autres, sans me presser, tranquillement, au fil du temps qui passe trop vite. Tout doucement, je continue mes nombreuses quêtes, tout en espérant le meilleur aux uns et aux autres.
- À vous de conclure…
Merci de me donner cette occasion de m’exprimer, bon vent à ce nouveau journal, nous avons besoin de nouveaux médias ! J’espère que la crise sanitaire va finir par s’estomper et que la vie va reprendre le dessus comme avant. Mon souhait est que toute l’humanité vive dans le bonheur et que toutes les injustices se terminent.
 
Entretien réalisé par Mohand Cherif Zirem
 
Le quotidien L'Express
Le 14 mars 2021
 
Entretien avec le poète écrivain et chanteur Brahim SACI
Entretien avec le poète écrivain et chanteur Brahim SACI
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