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Le poète mieux que personne sait combien le temps est précieux et notre vie si brève

Entretien exclusif avec le poète et chanteur Brahim Saci

« Le poète mieux que personne sait combien le temps est précieux et notre vie si brève»

Brahim Saci est intellectuel, poète et chanteur algérien. Il vit à Paris depuis plusieurs années. Dans cet entretien exclusif. Le talentueux artiste revient sur ses quêtes artistiques et nous donne sa vision de la condition des artistes algériens des eux rives de la Méditerranée.


Vous-êtes auteur, compositeur et interprète de vos chansons. Quel est le secret de cette polyvalence ?


C’est peut-être l’amour de l’Art, la passion de la création. Quand on se lance dans la poésie et la chanson, on a soif de dire beaucoup choses. Parfois l’on voudrait même tout dire.
Avec le temps, on s’intéresse à toutes les facettes de la chanson; on compose la musique qui habille nos mots et on s’engage naturellement sur les chemins de l’interprétation. Je suis tenté de dire que tout cela vient tout seul tellement on est pris dans le vertige de la création. Mais il faut aussi être attentif à ce qui se fait dans le domaine musical et de la chanson en général, afin d’approfondir son bagage culturel, mais aussi savoir écouter tout simplement la vie…
Le secret c’est aussi le travail, toujours apprendre, ne jamais se dire qu’on sait. Mais la poésie m’habite comme j’habite en elle. La Muse est une amie éternelle.Qu’est ce qui vous inspire ?

C’est d’abord l’amour de la vie qui m’inspire. La vie est fabuleuse pour ceux qui savent regarder avec l’œil du cœur, ceux qui savent qu’elle ne dure pas. Puis il y a l’Exil, cet exil dont on peine à trouver le remède, qu’on ne trouvera sans doute jamais car il n’existe peut-être pas, et il est vain de le chercher. Puis il y a les nombreuses expériences souvent douloureuses qui accompagnent notre vie, mais qui sont aussi un aliment indispensable à la création. Le regard du poète ne cesse de regarder vers l’essentiel afin d’essayer d’en saisir le sens et les couleurs: il tente également de faire partager sa vision du monde, il essaie de donner un peu de bonheur à ceux qui l’écoutent. Je lis beaucoup et la poésie m’inspire en général. Slimane Azem, Si Mohand Ou M’hand, El Hasnaoui, Youcef Abdjaoui, Dahmane El Harrachi, Renaud, Brel, Brassens, Piaf, Baudelaire, Rimbaud, Hugo, Mallarmé, Prévert, Verlaine, Ronsard, La Fontaine, Youcef Zirem et Mohand Cherif Zirem, Taos, Jean, et Fadhma At Mansour Amrouche sont mes lectures favorites.

Malgré votre originalité, on vous compare, souvent, à l’immense Slimane Azem. D’où vient cette ressemblance artistique ?

Je suis touché quand on me compare au grand Slimane Azem : il est vrai que le timbre de ma voix ressemble un peu à ce géant de la chanson algérienne. C’est un miracle, je ne sais pas d’où je tiens ceci. J’avoue qu’il y a un grand mystère quant à cette ressemblance. Mais je peux vous dire qu’à mes débuts, j’ai un jour rêvé de lui et je pense souvent à ce rêve tant il paraît réel. J’ai en quelque sorte raconté ce rêve dans le prélude de ma chanson « Leghdar n watmaten » qu’on peut écouter sur le net, sur « youtube » ou sur mon site www.brahimsaci.com. Emerveillé par sa rencontre, celui-ci m’ouvre ses bras me tendant son œuvre, me disant par ces mots « Akh a mmi ! ». A mon réveil je fus très troublé et heureux de cette rencontre mystérieuse dans un rêve. On peut comparer ma manière de composer la musique à celle de Slimane Azem, en privilégiant la mélodie, en allant vers le plus simple afin d’atteindre la clarté d’une source de l’Akfadou ou du Djurdjura. et mon attachement aux poètes kabyles anciens, particulièrement au légendaire Si Mohand Ou M’hand, en affectionnant les neuvains, donnant une préférence aux tercets. Sans oublier les quatrains et les sixains évidemment, avec l’utilisation d’une langue kabyle recherchée et profonde.

Vous êtes très nostalgique dans vos poèmes. L’Algérie vous inspire toujours ?

Tout poète est nostalgique car le temps s’enfuit et on n’y peut rien. Nous sommes désarmés devant le temps qui passe. Le poète mieux que personne sait combien le temps est précieux et notre vie si brève, c’est pour cela qu’il ne cesse de crier par ses vers afin d’essayer d’en percer le mystère et peut-être espérer créer une illusion d’éternité. Moi je suis nostalgique d’un pays que j’ai quitté et qui me parait, parfois, comme un paradis. C’était une autre époque, une autre Kabylie, une autre Algérie… Oui, l’Algérie m’inspire, j’ai tellement envie de la voir meilleure, épanouie, démocratique où la justice sociale régnerait. L’Algérie a les moyens de faire mieux. Il y a tellement de beauté dans ce pays !

Quel est la place de l’intellectuel algérien vivant à Paris ?

L’intellectuel algérien n’a pas vraiment de place à Paris, il n’est pas vraiment visible, il peine à survivre seul dans une ville qui ne veut pas de lui car ici ce sont les réseaux qui font voir les uns et les autres et les Algériens ne savent pas établir de réseaux entre eux. Seul, il est en proie à la discrimination quotidienne, se perdant dans de petits boulots, jusqu’à perdre son âme. Cette ville sait être si chaleureuse et si froide à la fois. Individuellement, les Algériens sont capables de réussite mais ils ne savent pas construire collectivement. Comme si une malédiction les poursuivait même à l’étranger.

Que pensez-vous de la chanson algérienne actuelle ?

La chanson algérienne poursuit son aventure. Elle continue, parfois, à donner de belles choses mais au même moment, il y a comme une tendance à la facilité, comme un plongeon vers la médiocrité. Ainsi va la vie. Ce qui est à signaler c’est que les vrais créateurs de cette chanson sont souvent ignorés et marginalisés. Une véritable démocratisation donnerait sa place à chaque créateur. On verrait ainsi apparaitre et s’épanouir la diversité des genres musicaux.

Malgré la grandeur de votre œuvre, on ne vous invite pas à chanter en Algérie. Comme si juste quelques artistes ont le droit de se produire chez eux, toujours les mêmes. Pourquoi?

Oui, je ne suis pas invité à me produire en Algérie, je ne saurais vous dire pourquoi. En revanche, il y a des chanteurs qui sont toujours invités. Mais ma ressemblance avec Slimane AZEM doit aussi gêner certains nostalgiques du parti unique de l’époque où Slimane AZEM était interdit en Algérie.Mais aussi, ayant quitté l’Algérie à l’âge de 10 ans, peut-être que certains me voient plus comme un artiste de France, même si ma musique et ma poésie s’abreuvent en premier lieu aux sources de la Kabylie, du Djurdjura et de l’Akfadou. Mais ce n’est pas grave, pour moi l’essentiel ce sont mes créations, mes poésies…

Quels sont vos projets artistiques ?

Un artiste a toujours des projets même s’ils sont difficiles à mettre en route. Après avoir écrit et composé de nombreuses nouvelles chansons, j’attends juste le moment adéquat pour les donner à écouter à mes admirateurs. C’est juste une question de temps…

Entretien réalisé par Mohand Cherif Zirem
Reporters, du 16 février 2013.

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