L'autrice Lielie Sellier est aussi artiste de collage. Photo DR
L’autrice Lielie Sellier revient dans cet entretien sur les inspirations qui nourrissent son travail, la construction de ses personnages et le message transmis à travers ses récits.
Son approche de l’écriture ainsi que son engagement dans l’éducation offrent une perspective intéressante sur le rôle de la littérature dans la transformation personnelle.
Diasporadz : Dans vos romans, vous explorez souvent des thèmes forts comme la résilience, la maltraitance et la quête de sens. Qu’est-ce qui vous inspire particulièrement dans ces sujets, et pourquoi les abordez-vous de manière aussi intime et émotive ?
Lielie Sellier : Parce que je les ai traversés. Il me semble que, même si certains s’en défendent, tout écrivain insère un fragment de son intimité dans ses textes. À travers mes récits, je cherche à dire que même les êtres cabossés peuvent retrouver la lumière. Parfois au détour d’une rencontre humaine, animale, d’une ruelle, d’un matin pluvieux, d’une journée ensoleillée… ou simplement en se reconnectant à la nature, en puisant au fond de soi la force de continuer.
Diasporadz : Dans Murmurations, les personnages de Mathias et Charlotte font face à des défis émotionnels et sociaux importants. Pouvez-vous nous parler de la manière dont vous avez développé leur relation et ce qu’elle représente pour vous ?
Lielie Sellier : Mathias est né d’un souvenir d’enfance. Dans le quartier où je vivais enfant, il y avait ce garçon — un peu plus âgé que moi, mis à l’écart à cause de sa différence physique, ce qu’on appelait alors un « bec de lièvre ». Nous partagions des goûters, des confidences, des courses effrénées. Il était d’une douceur incroyable, toujours digne malgré les moqueries. Après un déménagement, nous nous sommes perdus de vue, je ne l’ai jamais revu. J’ai souhaité lui rendre hommage.
Charlotte, elle, s’inspire d’un ancien compagnon, artiste, aujourd’hui disparu.
Ce qui m’intéressait, c’était de raconter l’histoire de deux êtres que tout oppose, et qui pourtant, par une forme de simplicité essentielle, parviennent à créer un lien indéfectible.
À travers eux, je parle de l’acceptation de l’autre, de la différence – un thème central dans mon écriture, d’autant plus nécessaire dans le monde actuel, en perpétuelle mutation.
Diasporadz : Vous avez évoqué l’importance de l’amitié et des liens humains pour guérir. Est-ce un message personnel que vous cherchez à transmettre à vos lecteurs à travers vos personnages ?
Lielie Sellier : C’est un message en filigrane, oui. Mais je préfère laisser chaque lecteur en faire sa propre lecture, selon les amitiés qu’il a connues, les blessures qu’il porte. Chacun reconnaît ou non ces liens dans les pages, à son propre rythme.
Diasporadz : Votre écriture allie simplicité et profondeur. Comment parvenez-vous à trouver cet équilibre, et est-ce un style qui vous est venu naturellement ou avez-vous dû travailler pour l’atteindre ?
Lielie Sellier : C’est un style qui m’est naturel. Je crois que la simplicité, quand elle est sincère, peut toucher profondément. L’émotion, l’humanité passent souvent par des mots justes, pas forcément par des effets de style.
Diasporadz : Vous puisez votre inspiration dans des auteurs comme Virginia Woolf et Raymond Carver. Quel est l’impact de ces influences sur votre propre écriture et comment les intégrer-vous dans vos récits ?
Lielie Sellier : Virginia Woolf m’a transmis le goût de capter l’éphémère, les sensations du temps qui passe, des saisons qui glissent. Carver, lui, m’a appris à scruter les failles, à rendre visible la vulnérabilité des êtres. Dans mes textes, ces influences se mêlent au souffle de mes propres émotions.
Diasporadz : En plus de votre carrière d’écrivaine, vous vous impliquez dans des ateliers d’écriture et des interventions scolaires. Quel rôle attribuez-vous à la littérature dans l’éducation et la transformation personnelle, en particulier auprès des jeunes générations ?
Lielie Sellier : La littérature est un passage, un pont entre soi et les autres, entre les mondes. Elle permet l’empathie, la découverte, l’éveil. Elle ouvre des espaces de dialogue, de questionnement, parfois de consolation. Pour les jeunes, elle peut être ce miroir qui rassure, ce tremplin qui libère.
Diasporadz : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?
Lielie Sellier : Mon dernier roman Dédales Intimes poursuit sa route, à la rencontre de ses lecteurs. Je prépare la publication d’un recueil de poèmes illustré de mes collages, Le grain du temps : chaque poème y dialogue avec une image, pour une expérience sensorielle entre mots et matières.
Un nouveau roman dort dans un dossier de mon ordinateur… Il attend que je le relise à nouveau avec un œil neuf.
Côté collages : je participerai à deux expositions collectives, The Collage Temple les 10 et 11 mai à Manzana, en Italie, et Fils et Feuilles du 30 mai au 7 juin 2025 à la Galerie Étienne de Causant à Paris 75006.
Diasporadz : Un dernier mot peut-être ?
Lielie Sellier : Je laisserai la parole à Jean de La Fontaine :
« On rencontre sa destinée souvent par les chemins qu’on prend pour l’éviter. »
Entretien réalisé par Brahim Saci
Le site de l’artiste Lielie Sellier : www.lieliesellierauteure.com
Voir aussi : www.womenunitedartmovement.com/artistdirectory/lielie-sellier
Le 02 mai 2025
diasporadz.com